Le cervelet, c’est ce « petit cerveau » logé à l’arrière de notre crâne en haut de notre nuque. On lui attribue depuis longtemps un rôle essentiel dans la coordination de nos mouvements, se trouvant au carrefour entre notre cortex qui programme nos mouvements et nos muscles qui l’exécutent. C’est votre cervelet qui vous aide à apprendre à conduire en facilitant la coordination des différents mouvements nécessaires ou encore à ajuster votre mouvement pour bien renvoyer la balle au tennis. Il règle l’intensité, la rapidité, la direction, la précision et la coordination de nos mouvements et est le gardien de nos automatismes moteurs.

Le cervelet coordonne nos mouvements mais pas que…

Le cervelet représente 10% du volume total du cerveau mais contient la moitié (environ 50 milliards) du nombre total de neurones (environ 100 milliards), plus que notre cortex cérébral. Son implication dans nos mouvements est admise depuis longtemps et, d’ailleurs il est relié, via la moëlle épinière, à nos muscles. Il a également été montré que le cervelet est aussi impliqué dans la cognition et les affects.  En effet, il existe des connexions avec des parties non motrices de notre cortex avec une topographie déterminée. La partie antérieure (lobules) interagit avec les zones motrices du cortex, les lobules postérieurs avec des zones corticales impliquées dans la cognition et la partie centrale (le vermis) est en lien avec le cortex limbique. Une équipe de chercheurs de l’Université Washington à Saint-Louis ont même découvert que seulement 20% du cervelet étaient consacrés à des domaines liés au mouvement physique [1]. Le cervelet participe donc à d’autres fonctions que la coordination du mouvement, mais comment ?

Un cerveau sans cervelet ?

L’avancée des connaissances sur les fonctions du cerveau s’est beaucoup faite par l’observation des troubles engendrés par des lésions ou des tumeurs. Pour le cervelet, en plus des troubles moteurs, paralysies de membres ou des problèmes d’équilibre et de coordination des mouvements qui sont les plus visibles, il a également été observé le syndrome cérébelleux cognitif et affectif (cerebellar cognitive affective syndrome CCAS) initialement décrit par le Dr Schmahmann en 1998 [2]. Les personnes présentant ce syndrome souffrent (1) de problèmes liés aux fonctions exécutives tels qu’une mauvaise planification, un raisonnement abstrait déficient, des problèmes de mémoire de travail, (2) d’altération de la cognition et de la mémoire visuospatiale, (3) de changements de personnalité tels qu’une limitation de l’expression de leurs émotions ou une expression non ajustée au contexte (rires ou pleurs pathologiques), la désinhibition (un peu comme sous effet de l’alcool) ou des comportements inappropriés (se déshabillent en public) et (4) des difficultés de langage. Schmahmann a également conclu que le CCAS était associé à une baisse générale du fonctionnement intellectuel.

En bref, les lésions du cervelet entrainent des difficultés quant à la régulation de l’humeur, des émotions et des fonctions intellectuelles supérieures.

Le cervelet module et coordonne aussi nos pensées et nos émotions

Le CCAS a montré que le cervelet intervient dans des fonctions exécutives comme la mémoire à court terme, l’attention, le raisonnement abstrait et l’anticipation.  Il participe à la régulation visuo-spatiale et au langage. Le rôle du cervelet dans l’homéostasie de la cognition et du comportement ouvre de nouvelles perspectives dans la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans des pathologies du champ psychiatrique, telles que la schizophrénie, l’autisme la dépression ou le trouble obsessionnel compulsif. De plus, il vient d’être montré que le cervelet fait aussi partie d’un réseau d’aires cérébrales qui, toutes ensemble, participent au circuit de la récompense et forment le cerveau social [3].

Finalement le cervelet a un rôle de modulation et de régulation dans la cognition et les émotions, qui est le pendant de son rôle de modération et de régulation sur le plan moteur. Nous manipulons les concepts comme nous manipulons des objets.

Cervelet et apprentissage

De nombreuses études ont montré les effets bénéfiques du mouvement pour les apprentissages, la maîtrise des émotions, la focalisation de l’attention…. La contribution du corps serait nécessaire à l’intégration de nouveaux concepts abstraits par l’intermédiaire du cervelet. L’apprentissage du sens des nombres serait indissociable de l’association avec les mouvements des doigts par exemple [4]. Alors laissons nos enfants compter sur leurs doigts ou utiliser un abaque* ! Ce principe fait l’objet du pilier 7 « Relier la tête et les jambes » du Funny Learning, pédagogie innovante issue des neurosciences.

Un point central entre mouvement et apprentissage est le plaisir qui est le même dans la réussite d’un mouvement ou la compréhension d’une idée ou d’un concept. « Le plaisir d’avoir compris qui, par une sorte d’addiction, nous donne le goût de la difficulté est peut-être l’un de nos plus grands atouts en tant qu’êtres humains » nous dit Lucy Vincent [5]. Ce plaisir, objet du Pilier 3 « Prendre ou retrouver le plaisir » du Funny Learning agit comme une motivation intrinsèque à l’apprentissage, nous ouvrant les portes de l’adaptation à notre environnement en traversant nos zones d’inconfort.

 

Le cervelet serait-il notre troisième cerveau ? « Le cervelet est connecté aux zones impliquées dans la pensée et nous pensons que le cervelet est l’unité de contrôle suprême pour le cerveau », déclare Scott Marek [1]. Plus qu’un simple ajusteur de mouvement, il serait donc indispensable à l’équilibre de nos pensées, émotions et comportements.

*Abaque est le nom donné à tout instrument mécanique plan facilitant le calcul, comme le boulier par exemple.

[1]. Marek et al. « Spatial and Temporal Organization of the Individual Human Cerebellum. » 2018, Neuron, 100(4):977-993.

[2]. Schmahmann and Sherman. « The cerebellar cognitive affective syndrome ». Brain, 1998, 121 ( Pt 4) : 561-79.

[3]. Carta et al. « Cerebellar modulation of the reward circuitry and social behavior. » Science, 2019, 363.

[4]. Vandervert. « Origin of Mathematics and Number Sense in the Cerebellum: with Implications for Finger Counting and Dyscalculia. » Cerebellum Ataxias., 2017, 20 : 4-12.

[5]. Lucy Vincent. « Faites danser votre cerveau. » 2018 chez Odile Jacob.